Comme je pratiquais des séances de physiothérapie sur un garçon âgé de 20 ans cloué dans son fauteuil d’infirme, j’ai réalisé qu’il pourrait peut-être se lever, avec l’aide d’une personne valide. J’ai décidé d’essayer. Finalement, nous avons réussi, non seulement à ce qu’il se lève, mais aussi à ce qu’il fasse pas mal de pas. Il n’en revenait pas. Son visage rayonnait de bonheur ! Je n’oublierai jamais le magnifique sourire de ce jeune homme de 20 ans qui me dit plus de dix fois … Thank you my friend.
Maria Mavridou
Il a seulement trois ans. Paraplégique. Il n’aime pas les soins de physiothérapie, il pleure … Seules ses larmes coulent, il ne peut émettre un son. J’ai essayé de le calmer. Il s’est calmé. Il a fermé ses petits yeux… Il les a rouverts, sans pouvoir fixer un point, il m’a serré la main et n’a plus opposé de résistance durant la suite des exercices. Il a compris que quelqu’un l’aidait. Il regardait vers le haut. La confiance regarde toujours vers le haut. Nous ne parlions peut-être pas la même langue, mais nous nous comprenions.
Nikoletta Tzévéléki
Souvent, je pense que le travail d’aidante que je pratique est le plus beau du monde ! Je n’oublierai jamais cette femme, à peu près du même âge que moi, qui était aveugle et attendait un enfant. Je l’accompagnais chez le médecin et nous avons passé de nombreuses heures ensemble. Je m’efforçais sans cesse de lui soutenir le moral, et ainsi est arrivé le moment de l’accouchement. Quand elle a pris son bébé dans ses bras et qu’elle a souri, je crois que c’était le plus beau jour de ma vie. Je me suis sentie bien et forte parce que je pouvais aider les autres.
Suhaila Mosannefi
C’est une jeune fille de 22 ans. C’est avec un sourire lumineux qu’elle raconte le bombardement, au cours duquel elle a été amputée de sa jambe gauche. Elle montre un membre très abîmé, impossible à appareiller, car la prothèse a provoqué un œdème très étendu. Je lui explique que nous avons prévu de la remplacer par une nouvelle parfaitement adaptée, dès que l’œdème aura disparu. Elle retrouve le sourire. Je lui demande : « Tu veux quelque chose d’autre ? » « Étudier la médecine » me répond-elle. Je me demande si je peux laisser paraître mon émotion …
&
On nous désigne un petit édicule : « Un homme vit là, il ne marche pas et sort rarement. » Nous frappons à la porte. Deux enfants nous accueillent, de 10 et 7 ans. L’homme se déplace avec difficulté en s’appuyant sur les quelques meubles. L’une de ses jambes a été massacrée par les tortures, l’autre paralysée à cause d’une balle. Il nous dit qu’il ne veut pas que nous fassions quoi que ce soit pour lui. « Pourquoi » lui demandons-nous. « Les enfants sont en sécurité ici, ça me suffit. » Je me dis qu’il ne nous fait sans doute pas confiance. Le lendemain, nous revenons, nous parlons pendant une demi-heure. Finalement il nous a fait confiance.
Costas Apostolou
En marchant dans le camp j’ai vu une femme assise seule, la tête appuyée sur ses genoux. Je lui ai demandé où étaient les siens. Elle m’a lancé un regard désespéré et m’a fait signe de la suivre. Elle a ouvert l’entrée d’une tente et m’a dit : « Mon mari ». À même le sol, j’ai vu un homme, la trentaine. Il avait perdu ses deux jambes, coupées au niveau de la cuisse. La femme ajouta : « Ça fait un an que nous attendons un fauteuil roulant. »
Odysseas Voudouris
Nous sommes allés voir un enfant qui avait un problème au genou. Lorsque nous sommes entrés dans le camp, ses parents sont arrivés, inquiets de ce qui allait arriver. L’enfant ne parlait pas, ne marchait pas. Nous avons obtenu un rendez-vous dans un hôpital doté d’un service d’orthopédie pédiatrique. J’ai demandé à sa mère si l’enfant parlait avec ses parents. Elle a pleuré et répondu : « Il dort et quand il se réveille il ne sait pas si nous sommes ici ou encore en Syrie, ni qui, dans sa famille, est mort ou encore vivant. »
Sofia Triadafyllidou
Un de mes souvenirs les plus marquants est celui d’un réfugié aveugle et cancéreux avec une colostomie. Il n’avait pas de famille en Grèce et personne ne se souciait de lui. Il était gravement déprimé. Nous nous battions depuis des semaines pour qu’il aille en Belgique, où se trouvait sa famille. Bien qu’il sût que les espoirs de succès étaient faibles, son état psychique s’est alors amélioré. Nous faisions des plaisanteries et il souriait. Quand nous avons réussi à le faire partir, nous l’avons accompagné à l’aéroport. Notre émotion était si grande que nous sommes tous restés silencieux.
Ahmad al Khadraa
C’est avec anxiété qu’il nous attendait dans son fauteuil d’infirme (une balle dans la colonne vertébrale et paraplégie). Chef de famille avec deux enfants. Il était très touché de voir que des inconnus venaient s’occuper de son problème. Il s’est apaisé. Nous avons commencé. Un homme fort, volontaire. Un mois plus tard il marchait avec un déambulateur. Il a appelé son fils : « Ces personnes m’ont aidé à me tenir debout sur mes jambes. » Il nous a regardé avec des yeux humides et nous a dit merci. Et le Kinoniko EKAV, nous tous, continuons notre travail avec d’autant plus de motivation.
Dimitris Apostolakidis
C’était un Syrien de 20 ans, un coiffeur. Il avait perdu un œil dans un bombardement. En discutant avec lui, nous avons compris qu’il avait honte de son apparence et ne sortait pas du tout. Initialement, on lui avait donné un œil artificiel qui ne lui allait pas. Il lui faisait mal et tombait. Nous l’avons conduit chez un spécialiste qui a fait du bon travail. On ne voyait plus son infirmité et il était très heureux. Il nous a chaleureusement remerciés en nous souhaitant que « Allah nous veuille toujours du bien ». Il rêvait maintenant d’ouvrir son propre salon de coiffure. Ma tristesse avait laissé place à une joie intérieure.
Vangélis Rizos
J’ai été très heureux d’avoir eu l’occasion de travailler comme aidant auprès de mes compatriotes réfugiés avec une organisation humanitaire. Je l’ai saisie avec passion. Entre les nombreuses situations que nous avons rencontrées, je me souviens d’un père, au fils handicapé duquel nous avions procuré un fauteuil d’infirme. Avec un sourire quelque peu amer il me disait : « Vous nous avez fait beaucoup de bien alors que moi je ne peux pas grand-chose pour vous. Mais sache que tout au long du reste de ma vie, je prierai pour vous. »
Alyas Omer Shams
Mon esprit est hanté par les enfants paraplégiques. Leur parole silencieuse, l’impossibilité du contact avec le monde extérieur, l’absence de toute activité créative. La plupart du temps leur famille les soutient, mais elle est isolée. Anéantie par l’exil elle a besoin de soutien elle aussi. Quand la journée s’achève et que je reste seule, je me demande comment on peut résister à un tel malheur…
Maria Dimitropoulou
Ses yeux effrayés m’ont fait une forte impression. Syrien, 18 ans, blond. Il ne semble pas taillé pour supporter la dureté de l’exil. Et il ne l’a pas supportée… Nous le rencontrons dans le jardin de l’hôpital psychiatrique. Pendant une heure, il nous ignore, il ne nous regarde pas… Peu à peu il s’enhardit, il comment à parler, d’abord en arabe… après nous échangeons quelques phrases en anglais… Il avait trois mois à raconter ! Je suis partie avec le sentiment que, ce jour-là, nous avions réussi quelque chose d’important.
Emmanouela Moraitou